Femme couturier - Fabienne Dimanov
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COUTURIER FEMME

ARTISTE COUTURIÈREPortrait - Fabienne Dimanov Paris - artiste couturier

La femme est-elle un couturier comme les autres ?

La nomination de créatrices de mode à la tête de grandes maisons françaises pose l’éternelle question de la spécificité de la Couture au féminin dans un univers couturier très majoritairement masculin.   

« Parce que je suis la première femme [à cette place] dans l’histoire de cette maison, je me suis naturellement mise à réfléchir à notre rapport à la mode. Et, étant donné ma position, j’ai décidé que le moment était venu d’aborder à nouveau la question de l’égalité entre homme et femme. » Maria Grazia Chiuri, directrice artistique chez Dior depuis 2016.

Pourquoi si peu de femmes occupent la direction de création dans les grandes maisons de mode ?

A cette éternelle question, Lanvin répond en recrutant Bouchra Jarrar, puis Chloé avec Natacha Ramsay-Levi et Givenchy avec Clare Waight Keller.

Le mot « couturier » ne désigne pas la même fonction au féminin: la couturière fabrique, le couturier invente.

Cette distinction souligne un rapport de force datant de la fin du XVIIe siècle, sous Louis XIV, quand la profession de couturier s’est mise en place, avec sa hiérarchie et ses corporations régies par la gent masculine.

L’histoire se souvient pourtant de celles qui ont donné à la couture ses lettres de noblesse : Jeanne Paquin, les quatre sœurs Callot, ou encore Lucile – alias Lady Duff Gordon qui a imaginé le premier défilé sur un podium avec des mannequins qui paradaient en prenant la pose.

La génération couturier femme suivante  est encore plus pointue : chacune à leur façon, Jeanne Lanvin, Madeleine Vionnet, Gabrielle Chanel et Elsa Schiaparelli défendent une élégance qui ne céderait rien au fonctionnel.

« Un couturier habille des êtres humains, non des rêves », clame haut et fort Madeleine Vionnet.

« On commence toujours par faire des robes de rêve. Et puis il faut abattre, il faut rognerr, il faut enlever. Jamais remettre », surenchérit Coco Chanel.

« Ce sont les femmes qui font la mode  ! » d’après Paul Poiret.
À partir des années 1960 émerge un état d’esprit qui porte en lui des germes contestataires et anti­-conservateurs. En écho à l’humeur sociale de l’époque, une nouvelle vague de femmes stylistes se fait connaître.  Emmanuelle Khanh, Christiane Bailly, Michèle Rosier et Sonia Rykiel tiennent à ce moment-là le haut du pavé.

Au seuil des années 1970, le discours ambiant change du tout au tout: « Soyez vous-mêmes  ! Prenez dans la mode ce qui vous plaît, ce qui vous va  ! »

Les créatrices font de leur boutique un forum social, une rampe de lancement pour des vêtements, des mots et des idées.

Les années 1980 sonnent le retour à la parade et à la religion du « look » – exigé et plébiscité par le public et les médias. On veut que la mode se donne en spectacle avant d’être portée.

Seules trois femmes constituent un îlot de résistance : Vivienne Westwood, Miuccia Prada, Rei Kawakubo. Toutes abandonnent le combat d’un féminisme pratique ou pragmatique au profit d’une écriture stylistique unique, HORS-MODE, qui se démarque ­radicalement de la vision hyper-sexuée véhiculée par leurs pairs masculins.

Vivienne Westwood,  impose son look punk rebelle aussi provocateur qu’ultra­-ba­roque, Muccia Prada sa ligne audacieuse, décontractée, non-conformiste, et Rei Kawakubo,  sa vision post-nucléaire contrebalancée par une rigueur formelle inégalée en rupture totale avec l’esthétique érotisée de la femme.

Des robes à porter…

L’expression créatrice des femmes est toujours plus bienveillante que celle des hommes, car elles ne peuvent pas s’empêcher de penser que la mode doit être portée.

Cette capacité de faire rêver tout en regardant comment les pièces pourraient être portées dans la vie de tous les jours paraît être une constante chez les créatrices d’aujourd’hui.

« Les hommes et les femmes peuvent être tout aussi créatifs. Mais je pense qu’il y a une différence de point de vue : un créateur masculin va imaginer une robe ; j’imagine la femme dans la robe, et c’est ce qui fait toute la nuance. Le point de départ n’est donc pas le même. Je n’ai pas une vision idéalisée des femmes. J’ai une vision très réaliste. » Maria Grazia Chiuri.

« La mode est un art appliqué que l’on pratique sur nous. La différence entre une créatrice et un créateur, c’est que nous ressentons vraiment les choses, et ça, ça ne peut pas se prêter ou se transmettre. On est tout de suite dans le corps » Bouchra Jarrar.

« La femme a une vraie relation au vêtement, beaucoup plus tangible, au plus près du corps, un regard intime qui ne déformera ni ne déguisera les femmes. » Martine Sitbon.

 « Un couturier femme est avant tout une artiste couturière de talent qui habille les femmes pour elles-même et non pas pour les autres.» Fabienne Dimanov.